Afrique du Sud: Cyril Ramaphosa, un homme d’affaires à la tête de l’ANC

LIBREVILLE, GABON (medias241.com)- A l’issue d’un vote très serré, Cyril Ramaphosa a été élu à la présidence du Congrès national africain (ANC), parti qui domine la vie politique en Afrique du Sud depuis 1994. Il a remporté 2 440 voix des délégués et cadres du parti habilités à voter, contre 2 261 pour sa rivale, Nkosazana Dlamini-Zuma, ancienne présidente de la commission de l’Union africaine et ex-épouse du président Jacob Zuma.

Ex-syndicaliste, cet historique du parti majoritaire a l’ambition de devenir le prochain président du pays.

Cyril Ramaphosa veut incarner le changement, le renouveau de l’ANC, profondément affaibli par les scandales qui ont marqué le deuxième mandat du chef de l’Etat, auquel il succède à la tête du parti. Mais la large carrure et le sourire jovial de Cyril Ramaphosa, 65 ans, ne sont pas neufs sur la scène politique sud-africaine.

Investissements

Enfant noir né à Soweto, activiste de la lutte anti-apartheid, il milite alors qu’il est étudiant en droit et est arrêté à plusieurs reprises. Avocat de formation, il fonde le syndicat national des mineurs (NUM) et mène la grande grève de 1987 qui contribue à affaiblir le régime. En 1989, alors qu’il joue un rôle important dans les négociations qui mèneront l’Afrique du Sud à la démocratie, il rend visite à Nelson Mandela en prison.

Il lui fait très bonne impression. Lorsque, après vingt-sept ans derrière les barreaux, ce dernier fait sa première apparition publique au balcon de l’hôtel de ville du Cap, Cyril Ramaphosa est à ses côtés et devient, à moins de 40 ans, le vice-président de l’ANC. Nelson Mandela a confiance en lui, il aimerait voir son dauphin lui succéder, mais le parti en décide autrement et choisit Thabo Mbeki, qui est élu président de l’ANC en 1997, puis d’Afrique du Sud en 1999.

Frustré, Cyril Ramaphosa quitte la politique et se lance dans les affaires. Cela fera de lui l’un des hommes les plus riches du pays. Il mène bien ses investissements, et devient un symbole du Black Economic Empowerment (BEE), un système de discrimination positive mis en place par le gouvernement sud-africain pour tenter de corriger les inégalités économiques de l’apartheid.

Les connexions politiques de ce chef d’entreprise intelligent et raisonnable en font un partenaire idéal pour des multinationales qui doivent se conformer aux nouvelles règles. Mais Cyril Ramaphosa, fils prodigue de l’ANC, n’a sans doute jamais totalement abandonné l’idée de réaliser son rêve : diriger le parti et, peut-être un jour, le pays. En 2012, il fait un retour en politique et devient le vice-président de Jacob Zuma, contre lequel quelques voix dissidentes, encore discrètes au sein de l’ANC, commencent à s’élever.

Casseroles

Son plus grand succès, à ce poste, a été de se maintenir à l’écart des scandales qui toucheront le chef de l’Etat ainsi que de nombreux membres du parti.

Cyril Ramaphosa n’est pas lié à la famille Gupta, de riches hommes d’affaires indiens accusés d’ingérence dans les affaires publiques. Il n’a jamais été épinglé non plus dans les multiples affaires de corruption à la tête de l’Etat.

Il était le candidat favori des investisseurs et sa victoire devrait rassurer les marchés financiers, alors que l’économie sud-africaine se porte mal. Mais le nouveau président de l’ANC traîne néanmoins quelques casseroles. La plus lourde est celle de sa responsabilité indirecte dans le massacre de Marikana.

Le 16 août 2012, 34 mineurs grévistes ont été abattus par la police, réveillant de douloureux souvenirs dans une Afrique du Sud encore traumatisée par les brutalités policières commises pendant l’apartheid. A l’époque, Cyril Ramaphosa est membre du conseil d’administration et actionnaire de la société Lonmin, qui exploite la mine de platine concernée.

Des échanges de mails ont révélé que plutôt que de tenter d’utiliser son expérience de dirigeant syndical et de négociateur pour trouver une solution pacifique à la crise, il demande alors à la police d’intervenir.

Ce drame et la proximité du nouveau président avec le monde des affaires soulèvent des questions quant à sa capacité à défendre des politiques favorables aux plus pauvres, dans un pays divisé par de profondes inégalités sociales (lire ci-contre). Il hérite aussi d’un parti en ruine.

Son principal défi sera de réparer l’image de l’ANC, de fédérer ses différentes factions, et de gagner la confiance des électeurs avant le scrutin national de 2019, pour lequel il sera candidat à la présidence. La tâche s’annonce complexe, surtout si l’ANC décide de ne pas pousser Jacob Zuma à la démission avant la fin de son mandat.

S’il n’est plus le président de l’ANC, il reste celui de l’Afrique du Sud. Et son avenir est l’une des premières questions que Cyril Ramaphosa va devoir aborder.

 

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