Depuis la tenue de la conférence nationale en 1990, l’opposition gabonaise a engagé sans désemparer un combat courageux, en vue de contribuer à la construction et à la mise en œuvre des conditions permissives d’élections libres, transparentes et justes au Gabon, facteurs essentiels d’une alternance démocratique et pacifique.
Malheureusement, ses propres faiblesses structurelles et politiques n’ont pas permis à l’opposition d’atteindre cet objectif jusqu’à ce jour.
La cause principale du développement d’un phénomène étant interne, c’est en elle-même que l’opposition doit d’abord rechercher les raisons de ses échecs successifs depuis 1993.
Elle accuse un certain nombre de faiblesses parmi lesquelles on peut distinguer :
L’absence d’une vision politique claire et la sensibilité à l’appel de l’argent facile ;
L’insuffisance d’implantation nationale des partis ;
La ténuité des stratégies de communication ;
la bataille des égos;
L’addiction au népotisme et à la préférence ethno-régionale.
L’absence d’une vision politique claire et la sensibilité à l’appel de l’argent facile
Dans les démocraties modernes, un parti politique est un regroupement d’hommes et de femmes autour d’un idéal, concrétisé par un projet de société et un programme de gouvernement, aux fins de conquérir et d’exercer le pouvoir d’Etat. Dans ce contexte, les acteurs politiques sont d’abord et avant tout des militants d’une cause. Ils sont guidés par l’éthique de la conviction et sont voués au désintéressement et au sacrifice. Ils entrent en politique pour servir l’intérêt général et non pas les intérêts personnels ou partisans.
Au Gabon au contraire, à part quelques rares exceptions, les partis politiques ne se créent pas sur la base de doctrines politiques, économiques et sociales cohérentes ou de projets politiques partagés. On entre en politique non pas par conviction, mais bien souvent par souci alimentaire, pour servir ses propres intérêts, ceux de sa famille, ainsi que ceux des ressortissants de son village, des membres de son ethnie ou de sa région d’origine.
La plupart des acteurs politiques gabonais ne pensent qu’à une chose: les avantages et les privilèges du pouvoir. Soucieux avant tout de s’enrichir à des fins personnelles, ils pratiquent la « politique du ventre»; versatiles, ils tournent casaque chaque fois que le pouvoir change de détenteurs.
Ils sont peu enclins à l’éthique morale et à l’intérêt général, de sorte qu’au sein de la classe politique gabonaise, il y a très peu de femmes et d’hommes politiques dignes de ce nom, mais une pléiade d’opportunistes invétérés.
La faiblesse organisationnelle
A de très rares exceptions près, la plupart des partis politiques de l’opposition sont très insuffisamment implantés sur l’ensemble du territoire national. Certains n’existent qu’à libreville, la capitale du pays. Certains autres ne sont composés que des membres des familles de leurs dirigeants ou se réduisent à une sorte de petit club d’amis. De ce point de vue, leur capacité de mobilisation des masses est nulle.
A cette insuffisance d’implantation nationale, s’ajoute le manque d’organes de médiation (associations des jeunes, des femmes, syndicats, comités de soutien, associations de la société civile affiliées), relais importants d’un parti politique en matière de mobilisation des populations.
Par ailleurs, dans leur ensemble, les partis de l’opposition ne disposent pas de moyens modernes de communication. Ils n’ont ni radios, ni télévisions, ni journaux. Beaucoup n’ont même pas un site Internet ou un compte Facebook ou Twiter. Les médias publics étant pas leur apanage, le message de l’opposition n’est que très faiblement relayé dans l‘opinion nationale.
La bataille des égos
Portés par des égos surdimensionnés, la plupart des acteurs politiques de l’opposition gabonaise pensent avoir chacun un destin présidentiel. Dans cet esprit, chacun met en avant ses ambitions personnelles, privilégie ses intérêts et joue sa propre partition, au détriment de l’unité de l’opposition. Ce chacun pour soi et cette absence de vision unitaire nuisent grandement à la cohésion de l’opposition et à l’adoption d’un projet politique commun.
Dans le processus du combat pour un nouvel ordre politique démocratique et pour une alternance pacifique, l’unité d’action de toutes les forces authentiquement démocratiques et républicaines est le gage du succès. C’est pourquoi, il est indispensable que les responsables des partis de l’opposition réelle fassent fi de leur égos, mettent en sourdine leurs ambitions personnelles et donnent la priorité au Gabon, à l’intérêt général et à l’unité d’action, socle sans lequel il n’y aura pas de victoire demain pour l’opposition.
L’addiction au népotisme et à la préférence ethno-régionale
Dans ce cadre, beaucoup d’acteurs politiques instrumentalisent les originaires de leurs districts ou départements d’origine, ainsi que les membres de leurs ethnies d’appartenance et s’en servent comme une base privilégiée de mobilisation partisane. Cette ethno-régionalisation de la vie politique contribue à fixer dans la conscience collective, des schémas de représentation du pouvoir fondés sur des oppositions entre les ethnies ou entre le Nord et le Sud du Gabon. Face à la montée des crispations géo-ethniques, la construction de la nation sur des bases nouvelles oblige les vrais patriotes à combattre impitoyablement toute forme de népotisme, d’ethnocentrisme et de régionalisme, d’où qu’elle vienne.