eTech SAS : société inconnue, contrat juteux, scandale national ?

Une société privée à capitaux majoritairement étrangers, sans expérience avérée dans la régulation des jeux en ligne ou la gestion des flux financiers, est sur le point d’obtenir un mandat exclusif pour contrôler les transactions liées aux jeux et paris en ligne au Gabon. Une décision qui va à rebours des engagements de transparence pris par le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema.

Selon une lettre datée du 14 avril 2025, que Medias241 a pu consulter, la société eTech SAS a informé plusieurs opérateurs de mobile money de sa désignation comme intégrateur unique des flux financiers liés aux jeux en ligne. Problème : cette lettre mentionne un arrêté ministériel (n°001551) dont la signature, selon les archives officielles, ne remonte qu’au 23 avril — soit neuf jours après l’envoi du courrier.

Plus troublant encore : les données WHOIS indiquent que le site internet d’eTech SAS n’a été créé que le 26 avril 2025, soit trois jours après la signature de l’arrêté, et douze jours après que l’entreprise a enjoint les opérateurs à se connecter à sa plateforme. À ce jour, ce site demeure non sécurisé, ne disposant même pas du protocole HTTPS — un standard pourtant élémentaire pour toute entité traitant des données sensibles.

« La lettre précède l’arrêté. Cela soulève immédiatement de sérieuses questions juridiques », commente, sous anonymat, un responsable du ministère de l’Économie.

eTech SAS a été immatriculée en 2025 (RCCM : GA-LBV-01-2025-B16-00015). Elle n’apparaît dans aucun registre antérieur, n’a remporté aucun marché public connu, et ne présente aucune expertise avérée en matière de technologie financière ou de régulation. Malgré cela, elle se voit accorder un monopole sur un marché estimé à plusieurs milliards de FCFA, au détriment d’acteurs nationaux installés depuis plusieurs années.

Aucun appel à manifestation d’intérêt, aucun appel d’offres, aucune consultation, ni audit public ne semble avoir précédé cette décision. Dès lors, des questions légitimes se posent : quels liens unissent eTech SAS au ministre de l’Intérieur, Herman Immongault, signataire de l’arrêté ? Pourquoi un tel arrêté émane-t-il d’un ministère dont ce n’est pas le domaine de compétence ?

« Pourquoi le ministère de l’Intérieur, et non celui des Finances, du Budget ou de l’Économie numérique ? Toute la procédure est obscure », s’interroge notre source.

Ce dossier survient alors que le président Oligui Nguema a fait de la transparence, de la souveraineté économique et du bien-être des Gabonais les piliers de sa gouvernance. Mais les conditions d’attribution de ce monopole exclusif à une société inexistante un mois auparavant sèment le doute.

Selon plusieurs sources concordantes, des proches du cabinet présidentiel pourraient être liés à cette initiative. Aucune preuve formelle ne permet, à ce stade, de confirmer l’existence d’un lien direct entre eTech SAS et des membres du sommet de l’État. Mais l’opacité de la procédure, le calendrier troublant, et les intérêts en jeu font de cette affaire un test crucial pour la crédibilité du discours de rupture porté depuis septembre 2023.