En pleine tempête économique, alors que le taux d’endettement du Gabon pourrait atteindre 79 % en 2025 selon les projections du FMI, le ministre de l’Économie a choisi de marquer la remise des clefs de deux bus destinés à son administration par une cérémonie où le champagne a coulé à flots. Une image qui tranche avec la dure réalité que traverse les gabonais.
Si l’événement visait à illustrer une amélioration pour les fonctionnaires de ce ministère qui n’ont pas la chance de conduire les nombreuses « plaque bleu 153 » hors de prix qui circulent dans Libreville, nombreux sont ceux qui y voient une mise en scène disproportionnée, voir grotesque, loin des enjeux économiques actuels. « Remettre deux bus, c’est bien, mais cela ne changera rien aux équilibres macroéconomiques du pays », observe un économiste local, soulignant que les attentes sont tout autres. « Dans une situation aussi grave, le public attend des réformes de fond, pas des opérations de communication. »
Mays Mouissi, autrefois figure médiatique sur les réseaux sociaux, s’était fait connaître pour ses critiques acerbes de la gestion économique du Gabon, émaillées de graphiques, d’analyses et de tableur Excel parfois sans autre pertinence que le fait d’exister. Aujourd’hui , de l’autre côté de la barrière, le ministre semble pris dans l’engrenage de l’exercice du pouvoir sous les tropiques. Depuis sa nomination surprise à la tête de l’Économie, il multiplie les gestes symboliques, largement relayés par sa cellule de communication. « On a l’impression qu’il cherche à exister à travers ces petites actions plutôt qu’à s’attaquer aux vrais problèmes du pays », commente un observateur.
Cette surenchère de communication, certains la jugent symptomatique d’une absence de stratégie claire voir de compétences « Chaque mois, sa cellule de communication enfonce des portes ouvertes, en publiant un récapitulatif d’événements sans portée réelle pompeusement appelé bilan. Les nominations de directeurs généraux ou la remise d’un bus deviennent des faits d’armes dans un contexte où l’urgence est ailleurs », critique un autre observateur. En filigrane, la question qui se pose est celle de la capacité de Mays Mouissi à incarner l’homme de la situation.
Sa trajectoire interpelle : jadis suivi et parfois respecté pour ses prises de position tranchées et ses analyses critiques, il apparaît aujourd’hui comme un ministre embourbé dans des obligations de forme, bien loin des réformes structurelles que beaucoup espéraient. « Il critiquait ouvertement l’ancienne gestion, mais semble incapable de proposer des solutions de rupture », analyse un ancien haut fonctionnaire du ministère de l’Économie.
La cérémonie de remise de ces bus, surmédiatisée, apparaît comme un symbole d’un certain décalage entre les priorités affichées et les attentes réelles. Pour l’instant, le ministre semble se contenter d’occuper l’espace médiatique, mais à mesure que la situation économique se dégrade, les Gabonais attendent des actes concrets.