Suspendue de ses fonctions puis limogée par les autorités gabonaises, Audrey Chambrier, ancienne directrice de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie et de Garantie Sociale (CNAMGS), a eu le rare privilège de venir s’expliquer sur le plateau de la chaîne Gabon24, situé dans les locaux de la présidence. Un véritable moment de gêne journalistique.
« Gabon Comédie Club », « trop de distraction », « interview condescendante », « Vous faites un plateau spécial pour permettre à une personne de se justifier sur une histoire de détournement, la justice fait quoi ? C’était nécessaire de faire ça ? » Une démarche pour le moins curieuse et incomprise par une large partie de l’opinion publique, tant le « plateau spécial » ressemblait à un sketch.
Cette initiative suscite l’étonnement, car il est rare qu’une chaîne publique ouvre ses antennes à un responsable public, limogé de son poste, pour qu’il se justifie face à des accusations qui n’ont, d’ailleurs, jamais été formulées de manière officielle, si ce n’est par des rumeurs et certains médias.
Pourtant, le Gabon dispose d’organismes de contrôle légitimes pour juger de la gestion des entreprises publiques. Alors, qui a eu cette idée malheureuse de « plateau spécial » chez Gabon24 ?
La télévision publique serait-elle devenue un tribunal, sa directrice un procureur et experte en comptabilité publique ? Qui a donc cru que cette idée était judicieuse ?
Deux camps interprètent cette démarche. Le premier estime qu’elle visait à sauver le « soldat Chambrier », tandis que le second y voit une tentative sournoise de l’exposer davantage. D’autant plus que les médias réputés proches du palais du Bord de Mer n’ont montré aucune indulgence à son égard.
Dans les deux cas, les observateurs s’accordent à dire qu’il s’agit d’une opération de communication médiocre. Limogée dans le cadre d’une mise en scène humiliante retransmise à la télévision publique – qui semble s’affranchir des règles déontologiques –, Audrey Chambrier aurait gagné à garder le silence et à attendre que des accusations soient formellement formulées et que les procédures administratives, voire judiciaires, soient enclenchées. C’est dans ce seul cadre que sa prise de parole aurait eu du sens, pas sur un plateau de télévision.
D’ailleurs, un commentaire sur la page de Gabon24 résume bien le sentiment général : « Ce n’est pas comme ça que ça se passe, il y a des institutions compétentes en la matière telles que la Cour des comptes. Si on veut être sérieux, on lance des audits afin de déterminer le patrimoine (ressources et charges) de cette structure et de savoir exactement quelle a été l’orientation des fonds de cette structure. Des sujets aussi sérieux, vous en faites une animation télévisée. Dites-nous, après cet entretien, quelle est la suite ? »
À moins de considérer Gabon24 comme un organisme judiciaire ou supplétif de la Cour des comptes, cette séquence laisse un goût amer dans l’esprit de l’opinion publique. Voir l’ex-dirigeante de la CNAMGS se dandiner sur un plateau TV, affirmant qu’elle a un nom et qu’elle est suffisamment aisée pour ne pas avoir besoin de « voler », est particulièrement troublant. Et ce, alors même que, dans le même temps, de nombreux assurés sociaux de l’organisme qu’elle dirigeait il y a encore trois mois ne peuvent plus se soigner en raison d’impayés, mettant en danger la vie de nombreux Gabonais anonymes.
La communication de crise est une affaire de professionnels, une vérité que les deux protagonistes de cette interview gênante auraient dû méditer.