Ils étaient un homme aimant, un père de famille apprécié par sa communauté pour l’un, et un jeune homme sans histoire pour l’autre. Ils ont été assassinés par une vingtaine de personne le 24 janvier 2020 au quartier Belle-Vue, et à la cité mébiame alors qu’un demi millier d’autres personnes assistaient sans bouger. Téléphones en mains, prenant vidéos et photos, afin de se délecter sans fin du souvenir de cette journée macabre.
Aucun mot ni aucune attitude ne seront jamais assez forts pour traduire l’indignation devant la sauvagerie de ce qui s’est passé en ce milieu de journée dans le centre de Libreville, à 5 minutes en voiture d’une base de police, et à 20 mètres de deux centres médicaux.
Ce vendredi 24 janvier, la ville bruisse de plusieurs tentatives d’enlèvements d’enfants fortement relayées sur les réseaux sociaux. Des directs vidéos de scènes de violences sont même relayées par des médias en manque de sensation, le tout fera monter la haine et l’absence d’humanisme dans le cœur de quelques dégénérés.
Comme tous les jours à la même heure, Gervais Patrick s’en va récupérer ses enfants à l’école, à bord de son véhicule de marque allemande, aux vitres teintées, ce sera là sa faute.
Il sera pris à parti par une foule d’élèves, elle-même suivie par tout ce que le quartier compte de délinquants. Descendu par la force de son véhicule, le tribunal de la vindicte populaire a vite fait de le juger, puis de le condamner. Ce sera la peine de mort sous les hourras d’une foule en liesse composée de commerçants (es), d’élèves en uniformes, et de riverains.
Pendant près d’une demie heure ce vendredi, il vivra le calvaire, dépouillé de ses effets personnels, lapidé sur la voie publique en heure de pointe. Après ce traitement inhumain, il sera par la suite laissé pour mort. Gervais-Patrick succombera à la suite de ses nombreuses blessures au centre hospitalier de Libreville.
Ses enfants, qu’il partait récupérer ne s’imaginent pas qu’a quelques mètres de leur cour d’école, leur père git dans une mare de sang, à coté de son véhicule incendié.
À une minute à vol d’oiseau, à la Cité Mebiame, c’est Stanislas Ngoua, désigné par une inconnue comme étant le kidnappeur de son enfant, lui aussi passera par le tribunal de la rue. Tabassé avec une rare violence, morceaux de pavé, barre de fer, bout de bois, un tonneau vide sera même utilisé pour l’achever.
Des femmes, des hommes, et des enfants vont s’en donner à cœur joie, le tout toujours en direct sur Facebook. Facebook le nouveau pays d’une partie de la population du Gabon.
Dans ces deux cas, aucune information sur l’enfant supposément kidnappé, ni information sur la femme qui a donné l’alerte ne pourront être collecté. Comme à chaque fois depuis deux semaines, les soi-disant victimes, et leurs familles restent invisibles.
Pourtant, là sur le sol, gisent deux compatriotes assassinés, et arrachés à l’amour et l’affection de ceux qui les aimaient. Nous sommes au Gabon, nous sommes en janvier 2020.
Averti par un proche parent, le commissariat de Belle-vue2 aurait refusé d’envoyer des agents. « Le commissaire n’est pas là. » Auraient répondu les agents en faction.
Pris pour des kidnappeurs dit la rumeur populaire. Pourtant au moment où j’écris ces lignes, aucune plainte n’a été déposée par la vingtaine de familles dont les enfants auraient subi une tentative d’enlèvement.
Comment est-ce possible, alors que les réseaux sociaux sont le lit de plusieurs témoignages aussi contradictoires, et affabulateurs les uns que les autres.
Comment est-ce possible sans que ce ne soit le fait d’une manipulation de masse. Qui sont donc ces Gabonais sur la base de faits qu’ils ne peuvent vérifier, et sur la base d’un flagrant délit imaginaire, ont décidé ce jour d’enlever la vie à deux innocents.
À qui profite ce qui peut légitimement être considéré comme une tentative de déstabilisation du pays ?
Les visages de la plupart des auteurs de ces crimes odieux sont visibles sur les différentes vidéos et photographies partagées sur les réseaux sociaux. À l’œuvre, la police a déjà pris dans ses nasses un des protagonistes, un individu dont le visage ne semble pas exprimer un seul regret. Mais ce n’est pas assez !
Ils sont encore nombreux dans la nature. La justice gabonaise devra ici faire son travail afin que tous les complices de ces assassinats soient mis hors d’état de nuire. Les responsabilités sur les commanditaires de cette diffusion massive de fausses nouvelles, et sur les cas avérés de non-assistance à personne en danger devront être établies. La sauvagerie de ces crimes ne devra pas rester impunie.
Le samedi 25 janvier 2020, alors que les lieux de ces assassinats devraient être considérés comme des scènes de crimes, au bénéfice de la police scientifique. Les rues de cité mébiame, et Belle-Vue ont pourtant été rouvertes.
Dans ces différents quartiers, la vie semble avoir repris son cours normal, cette même vie qui ne sera plus jamais la même pour les familles de GERVAIS PATRICK OBAME EYEGHE, et STANISLAS NGOUA, dont le sang versé demande justice.