La question semble anodine après un mois de réflexions intenses et un millier de recommandations. Pourtant, en y regardant de plus près, elle mérite d’être posée avec acuité, surtout à la lumière des nombreuses critiques soulevées par les conclusions du dit dialogue.
Le Dialogue National Inclusif (DNI) serait-il passé à coté des questions essentielles?
Les attentes étaient immenses, surtout que cette grande réunion était la première de l’histoire du Gabon sans « les Bongo »au pouvoir. Source d’un plus grand espoir. Plus grand que la conférence nationale souveraine de 1990, encore plus grand que les accords de Paris, d’Arambo ou même d’Angondje. Le Dialogue d’après le « coup de libération » offrait une occasion unique aux Gabonais de se libérer et de s’émanciper d’une façon de faire la politique qui dure depuis près de 60 ans, en abordant sans émotion et avec la plus grande rigueur intellectuelle les questions liées à la mal gouvernance, le non respect des droits humains, la souveraineté économique, la dépendance de la justice au pouvoir exécutif avec toutes les conséquences pour l’État de droit que l’on peut observer.
Une mémoire collective sélective ?
Au lieu de cela, les commissaires investis d’une mission de reconstruction trop grande pour leurs épaules se sont concentrés sur des questions personnelles. Experts de la question gabonaise du simple fait de vivre en France et où aux États-Unis, quelques individus issue de la diaspora gabonaise auraient souhaité que l’état donne un terrain à tous ceux des gabonais qui rentreraient au pays. Comme si le fait de vivre à l’étranger ou d’user son temps sur les réseaux sociaux en faisait des citoyens au dessus des autres.
Là où étaient attendue la sagesse et la responsabilité c’est la vengeance qui a prévalu, clouant au pilori un certain parti de masse et ses cadres, notamment ceux des quatorze dernières années, pas un mot sur les 40 ans de Bongo père, comme si le Gabon avait débuté en 2009. Une prise de liberté avec la vérité qui a fait bondir plus d’un observateur.
Amputé d’une commission Vérité–Justice–Réconciliation, le dialogue s’est gardé d’aborder la questions sensibles, notamment les assassinants de Joseph Rendjambe Issani, qui remonte aux années 90, de Martine Oulabou, et de toutes celles et ceux qui ont perdu la vie en raison de leurs convictions politiques et ou leurs droits.
Souhaité inclusif par la première autorité de la transition, le dialogue nationale s’est reduit à faire la justice des vainqueurs, et ce n’est pas la Coalition pour la Nouvelle République (CNR), en première ligne lors de la présidentielle de 2016, qui dira le contraire. Lors d’une récente déclaration, elle a exprimé son avis, estimant que « malgré le battage médiatique mené à grande échelle par les autorités de la transition, les résolutions de cette réunion n’ont pas été à la hauteur des attentes du peuple gabonais. Les propositions relatives à la suspension des partis politiques, à la question de la nationalité, à la liberté d’aller et venir, sont autant d’exemples illustrant cette désillusion ».
La binationalité, le point qui fâche
En ce qui concerne les questions liées à la nationalité, si la proposition de déchéance de nationalité pour les personnes coupables de certains crimes et délits a été applaudie par l’ensemble des Gabonais, celle relative à l’exclusion des binationaux de certains postes à responsabilité pose problème. Plusieurs débats houleux en découlent. Etienne Massard, ancien collaborateur d’Ali Bongo, voit en cette mesure, une forme d’hypocrisie dans cette démarche. « Qu’on me donne la preuve qu’un Gabonais de père et de mère dit de ‘Souche’ est plus loyal à la République et au Pays qu’un Gabonais né d’un seul parent Gabonais », a-t-il demandé lors d’une récente sortie.
Où est passé le rapport final du DNI?
Même une semaine après la clôture du dialogue, il est impossible, au moment où nous mettons sous presse ces lignes, de consulter le contenu intégral du rapport d’un événement pourtant annoncé comme inclusif. Qu’est-ce que cela cache? Le caractère inclusif de cet événement semble désormais faire place à l’exclusivité, au point où les médias ne se contentent que de relayer quelques propositions énoncées par la ministre de la Réforme des Institutions, Murielle MINKOUE, qui, il faut l’admettre, a su maîtriser avec brio l’organisation de cet événement malgré un retard à l’allumage.