Notes d’Histoire du Gabon : Le PUNGA, un «NON» et des ennuis.

LIBREVILLE, GABON (medias241.com)-Le Parti de l’Unité Gabonaise a eu une vie intense mais courte. Plus d’un demi-siècle après sa disparition, le PUNGA reste dans les mémoires des plus anciens comme le «parti des courageux» pour avoir dit non, sans ambiguïté aucune à la Communauté lors du référendum de 1958.

Le Parti de l’Unité Nationale Gabonaise a été fondé le 20 août 1958 à Libreville. Ce parti est l’œuvre de René Paul Sousatte. Ce dernier qui a travaillé aux côtés de Jean-Hilaire Aubame et Jean-Rémy Ayouné dans le cercle rapproché de Félix Eboué a été l’une des figures de proue de l’UDSG dès 1947. Mais dès son retour au Gabon, après le séjour à l’Assemblée de l’Union Française où il avait été élu en 1947 grâce à l’implication personnelle d’Aubame, mettant en échec Léon Mba et Louis Bigmann, René Paul Sousatte prend des distances avec son mentor.

Il lui reproche sa proximité de plus en plus perceptible avec l’administration coloniale et les missionnaires (Aubame comme Sousatte ont eu pour tuteurs des abbés, Jean Obame pour le premier et Charles Guibinga pour le second avaient pourtant pris des distances avec l’Eglise pour défendre au mieux les intérêts des populations). La rupture est consommée à la veille du référendum de 1957 lorsque le chef de file de l’UDSG « abandonne le bateau » face au BDG lors des élections de 1957 qui ont mis face à face le jeune Ekoh (28 ans) à l’ancien Mba (55 ans) alors même que Aubame apparaissait comme le seul capable de battre réellement Mba, « à défaut il aurait demandé à un homme plus expérimenté comme Amogho (39 ans), Sousatte (44 ans), Evouna (41 ans), Meye (37 ans) ou Migolet (37 ans) d’affronter le SGA du BDG ».

Mais lorsqu’Aubame décide de jouer la carte du «Oui» pour le référendum, Sousatte estime qu’il ne partage plus avec son mentor et ami Aubame la même idée de l’indépendance, de la République et la même aspiration pour le Gabon. Il choisit le non. C’est surtout l’occasion pour lui de créer une troisième force politique comme il l’a déjà suggéré à Yembit et Nyonda dès le milieu des années 1950.

Le 20 août 1958, à un mois du vote référendaire, Sousatte réunit quelques hommes décidés à le suivre. Lors de la réunion qui crée le parti, il y a autour de la table : Jean-Jacques Boucavel, Jean-Félix Lassy, Henri Moundounga, Martin Longa, Valentin Mihindou mi Nzamba et Lousi M’vey.

Qui sont-ils? 

Jean-Jacques Boucavel est une des personnalités centrales de l’UDSG. Il a 34 ans.
C’est un instituteur de formation. Il vient de siéger à l’Union Française à la place de Sousatte. Il est par ailleurs issu de la même région (Ngounié) que Sousatte dont il est le neveu. Il démissionne le 18 août, soit deux jours avant la création du PUNGA.
Jean-Félix Lassy est le directeur de cabinet du ministre de la fonction publique. Il est membre du conseil municipal.

Henri Moundounga est le chef de cabinet de Vincent de Paul Nyonda, ministre des TP et Ghisira comme Sousatte.

Martin Longa est conseiller municipal du BDG

Valentin Mihindou Mi Nzamba est fonctionnaire de l’enseignement technique, surveillant de collège et ancien membre influent de l’AGEG.

Louis Mvey est un syndicaliste reconnu, membre de la CGAT.

Le PUNGA apparaît évidemment comme un parti « régionaliste ». En effet, en dehors de Louis Mvey, tous les membres fondateurs sont issus du groupe Ghisira-Punu et des régions de la Ngounié et de la Nyanga. Quelques mois après sa fondation, on retrouve dans ses listes, les noms de jeunes tels que Marcel Sandoungout du Haut-Ogooué.

Mais cet esprit régionaliste qui accompagne l’existence du PUNGA tout au long de sa « courte » vie n’honore pas René-Paul Sousatte et Jean-Jacques Boucavel. Le premier, Sousatte, était pourtant populaire et très brillant. Un fin stratège politique qui aurait pu rassembler au-delà de sa seule appartenance ethnolinguistique et sa région.

Mais le PUNGA, il faut s’en souvenir, est d’abord le premier parti à avoir annoncer qu’il voterait et qu’il ferait voter pour le «Non» au référendum. «Nous en avons assez des brimades de la France métropolitaine. Nous voterons non et ferons voter non» indique JJ Boucavel le 15 septembre 1958. Le Punga estime qu’il est temps de traiter d’égal à égal avec la France comme le prône en Guinée, Sekou Touré.

Le Punga ne change pas de logique. Jusqu’au référendum, il milite pour le « Non ». Mais le Oui l’emporte. 15 mille personnes ont suivi le PUNGA. Ceci constitue la phase capitale de son histoire car désormais, ni Sousatte, ni Boucavel ne connaîtront plus le repos. Malgré leur invitation, plus tard à entrer dans le gouvernement de l’Union Nationale, le PUNGA est mal vu par l’autorité française et son patron, Sousatte en a déjà fait les frais. Il a été arrêté, jugé et condamné par le Tribunal de Grande Instance de La Seine pour atteinte à la sûreté en République gabonaise avant d’être frappé d’inéligibilité. Une décision qui a impacté sur sa carrière politique.

Le PUNGA battu au référendum tente de s’installer dans le pays. C’est ainsi que Marcel Sandoungout est copté. Pourtant Louis Mvey est lui exclu peu à peu parce qu’il est présenté comme un potentiel « indic » de l’UDSG d’Aubame. En d‘autre termes, Louis Mvey est victime de son communisme et de son appartenance au groupe Fang.

De son côté, Nyonda, ministre et membre du BDG est accusé de faire de l’infiltration dans le parti de Gondjout et Mba. Son appartenance à la commuanuté Ghisira et la présence d’Henri Moundounga, son chef de cabinet, à la réunion qui crée le Punga est mal perçu par Léon Mba. Vraisemblablement, Nyonda est solidaire de Sousatte mais il reste sur sa faim quand à la capacité réelle du Punga de frapper de grands coups. En effet, l’inéligibilité de Souatte l’a diminué. Nyonda, pour se défendre prit d’ailleurs sur lui de proposer à Léon Mba de donner à Sousatte un emploi de contractuel des TP pour qu’il soit affecté à l’intérieur du pays et qu’il soit plus affaibli. Mais, Sousatte n’est pas seul car s’il peut être modéré, Boucavel ne fait pas dans la langue de bois au point où il incarne la branche radicale du PUNGA. Il va d’ailleurs jusqu’à solliciter le rattachement au Congo des régions de la Ngounié et de la Nyanga.

Nyonda finit par se mettre en désaccord avec Sousatte. Il déclare : «J’ai dit à Sousatte qu’il ne faisait que du racisme. Moi-même j’ai eu l’idée de créer une troisième force, mais j’ai renoncé car elle ne peut reposer que sur la notion tribale, ce qui est un recul pour notre pays ». Pour René Paul Sousatte, c’est un coup dur car Nyonda est une personnalité qui aurait pu aider le PUNGA à mieux s’installer. Même la Nyanga se désolidarise du PUNGA. Michel Mihindou et Théotime Gumbyth qui sont les têtes de files du parti de Sousatte et des anciens militants de l’UDSG créent le «Comité Mixte de la défense des Intérêts de la Nyanga et de la Liberté d’Opinion». Mais c’est en fait un vrai coup du BDG qui réussit ainsi à briser une jambe au PUNGA.

Dans le temps, le PUNGA et l’UDSG entretiennent de «meilleurs rapports». Aubame ne digère pas la trahison de Sousatte, son ami et collaborateur de Brazzaville, son lieutenant le plus virulent. Mais face au BDG, les deux hommes, anciens séminaristes et « fils » de prêtres partagent la même « haine » du pouvoir de Léon Mba. Ils s’allient à plusieurs reprises.

En 1961, Sousatte est encore sous le coup de l’inéligibilité et le PUNGA ne peut rien faire face à la puissante union Mba-Aubame. Il ne peut donc pas prétendre se présenter aux élections de cette année-là. Louis Mvey, très exaspéré, quitte le parti et tombe quasiment dans l’oubli. ‘RPS’ dont le talent d’organisateur est reconnu de tous les hommes politiques continue de torpiller l’action de Léon Mba. Il reste incontestablement le leader de la Ngounié-Nyanga. Et pour le BDG au pouvoir, il faut pouvoir anéantir cette influence. Mais comment ? En 1962, Léon Mba admet l’idée de Nyonda et Aubame de ne plus laisser RPS vivre en électron libre. Il le nomme ministre de l’Agriculture dans le gouvernement de l’Union Nationale et en 1963 «case» Boucavel à la tête du CES.

A partir de fin 1962, l’idée d’un grand parti voit le jour dans l’entourage de Léon Mba. Il veut engloutir une fois pour toute Aubame et Sousatte qui se sont «alliés» à lui le temps du gouvernement de l’Union Nationale mais qui reste récalcitrant à l’idée de voir Léon Mba demeurer au pouvoir. Aubame a toujours des ambitions et reste très populaire. Sousatte, «L’Homme du Non» gabonais n’a pas encore obtenu l’absolution de la métropole et continue de marquer son indépendance, sa liberté de ton et sa volonté de rompre avec la France. Gondjout lui est en résidence surveillée. Léon Mba met Yembit en avant pour que ce dernier négocie avec Aubame et Sousatte pour la fusion du BDG, de l’UDSG et du PUNGA afin de donner naissance à un parti dont il serait le seul chef. Inadmissible. Les négociations durent plusieurs semaines. Pour Aubame et Sousatte, «réunis», l’attitude de Léon Mba relève du mépris puisqu’il ne répond pas à leurs correspondances et demandes d’audience. Les différentes réunions conduisent même à l’idée selon laquelle le BDG doit « avaler » les deux autres partis. La tension monte.

En février 1963, ces négociations n’aboutissent pas. Léon Mba libère les frères Gondjout, Paul et Edouard après les avoir muselés pendant plus de trois ansi. Il tente un coup de poker : se réconcilier avec Gondjout, son «meilleur ennemi». Et pour cause, il a prévu de remanier le gouvernement et d’en sortir les ministres qui ne sont pas membres du BDG. C’est ce qu’il fait le 19. L’Union Nationale a vécu.

Le PUNGA est dissout le 17 juin 1963. Un acte qui en fait état est publié en juillet de la même année. Il indique que : « considérant que les trois étapes que s’étaient fixées le PUNGA sont pleinement atteintes et que l’évolution de l’Afrique sur l’échiquier international implique d’immenses sacrifices, j’ai décidé en ce jour, d’une manière solennelle, avec l’accord des membres du comité directeur, compte tenu des pouvoirs qui m’ont été conférés par le président national du parti, Mr René Paul Sousatte, en date du 18 février 1963, de dissoudre le PUNGA. Ce communiqué est signé Pierre Claver Divoungui.

Chose curieuse, le PUNGA qui a pour président national RPS a donc depuis le 18 février 1963, soit un jour avant le remaniement ministériel qui met les ministres de l’UDSG et du PUNGA à la porte, un autre président national en la personne de PC Divoungui.

Quoiqu’il en soit, le PUNGA est dissout et ses membres sont appelés à rejoindre le BDG.

C’est la fin d’un parti politique qui, avec des objectifs et des combats nobles, s’est fourvoyé dans des considérations culturelles et politiques indignes de RPS et Boucavel, anciens parlementaires à la métropole. Le PUNGA, Parti de l’Unité Nationale Gabonaise n’a pas toujours prêché l’unité nationale. Et les talents de RPS qui avaient fait de lui un très proche de Félix Eboué et ensuite un incontournable stratège d’Aubame n’ont pas été mis en valeur. RPS avait changé sa conception de la politique, du Gabon et de l’Unité Nationale. Quand le PUNGA disparaît en 1963, RPS (50 ans) et Boucavel (40 ans), ainsi que Divoungui (40 ans) ont encore la vie devant eux malgré une longue carrière derrière eux. Mais leurs choix de se rallier au BDG ou plus tard, pour Boucavel, d’aller dans le maquis vont faire en sorte qu’ils passent quasiment dans l’anonymat et que les événement de 1964 se passent sans eux.

RPS meurt en 1969. Il a 56 ans. Il est resté dans la région de la Ngounié une référence. Mis à part «le tribalisme» que lui avait reproché son «frère» ghisira Vincent de Paul Nyonda, RPS est resté dans la mémoire comme l’un plus brillants politiciens de sa génération. Ses contemporains ont préféré garder de lui l’image du Sousatte qui a défendu les intérêts des Gabonais à Brazzaville, puis à L’Assemblée de l’Union Française (au compte de l’UDSG qu’il avait intégré en 1947), avec des discours enflammés, et aussi sa fidélité à Aubame et son courage face au référendum de 1958.

Personnalités influentes : Sousatte René Paul (1913-1969), Boucavel (Boukaka) Jean-Jacques (1923-2001), Divoungui Pierre Claver, Lassy Jean Félix, Mvey Louis, Moundounga Henri, Sandoungout Marcel (1927-2015), Mihindou mi Nzamba Valentin (1930-2012).

 

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