La réforme constitutionnelle, loin de faire l’unanimité, est largement critiquée par les parlementaires gabonais. Derrière les propositions de modernisation des institutions, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer un projet de loi mal conçu et des débats expéditifs, révélant une précipitation inquiétante. Le manque de clarté, les suppressions d’instances cruciales et la centralisation excessive du pouvoir présidentiel suscitent de profondes divisions et mettent en péril la légitimité même de ce processus.
Des innovations rejetées par une partie des parlementaires
La présentation des grandes lignes du projet de Constitution par le Premier ministre Raymond Ndong Sima, censée éclairer les membres de l’Assemblée constituante, a rapidement donné lieu à des échanges tendus. Plusieurs parlementaires, dont Gérard Ella Nguema et Luc Oyoubi, n’ont pas hésité à remettre en question des aspects clés du projet, notamment la suppression du Congrès du Parlement et la création de postes de Vice-présidents.
L’intervention de Gérard Ella Nguema, dénonçant l’absence de clarté sur la désignation du Vice-président, met en évidence un projet conçu à la hâte, sans réflexion approfondie sur les conséquences à long terme. « Si nous voulons être dans un régime présidentiel, on aurait pu faire en sorte que le prochain président soit élu avec son Vice-président de la République et ce serait plus clair », a-t-il regretté. Cette critique soulève une question fondamentale : comment justifier des changements aussi importants sans prévoir des mécanismes clairs de mise en œuvre ? En proposant un vice-président non élu aux côtés du président, le gouvernement court le risque de fragiliser davantage la légitimité de la future administration.
Une suppression du Congrès du Parlement largement contestée
La suppression du Congrès du Parlement, autre mesure phare de cette réforme, a également été fortement critiquée. Luc Oyoubi, ancien ministre et actuel membre de l’Assemblée constituante, a souligné que cette instance était un organe important dans le processus législatif gabonais. En retirant cette structure, le projet compromet le rôle de l’institution parlementaire, réduisant sa capacité à peser dans le contrôle de l’exécutif.
Cette suppression n’est pas un simple ajustement technique : elle modifie profondément l’équilibre institutionnel. Comment un Parlement affaibli pourrait-il jouer efficacement son rôle de contre-pouvoir face à un président tout-puissant ? Les débats ont montré que beaucoup de parlementaires se sentent mis à l’écart, leurs préoccupations étant écartées au profit d’une vision centralisée du pouvoir.
Un débat de façade : les parlementaires réduits au silence
Malgré les échanges animés, il semble que le débat parlementaire ne soit qu’une formalité sans réel poids dans le processus décisionnel. Le Premier ministre a réaffirmé la volonté du gouvernement de maintenir l’orientation générale du projet, balayant les critiques avec des réponses vagues ou peu convaincantes. En affirmant que « le président de la République assumera désormais seul la responsabilité de l’action politique », le chef du gouvernement laisse peu de place à la discussion. Ce monologue déguisé en débat est révélateur d’une stratégie plus large de la part du gouvernement de transition : imposer un projet sans prendre en compte les objections des parlementaires, ni celles de la population.
Ce simulacre de consultation parlementaire a laissé de nombreux membres de l’Assemblée constituante frustrés et inquiets pour l’avenir. Le projet, tel qu’il est présenté, semble répondre avant tout aux intérêts du gouvernement de transition, plutôt qu’à ceux de la nation dans son ensemble.
Une réforme imposée sans consultation populaire
Au-delà des débats au sein de l’hémicycle, la véritable question demeure : pourquoi une réforme aussi profonde et controversée est-elle menée avec une telle précipitation, sans un débat national élargi ? La population gabonaise n’a pratiquement pas été associée à ce processus, et il semble que le texte sera adopté sans réelle consultation. Les parlementaires, malgré leurs critiques, ne disposent que de dix jours pour examiner un projet de loi fondamental qui façonnera le futur du pays.
Cette précipitation alimente le sentiment que la réforme est menée de manière autoritaire, sans respect des principes démocratiques. Le gouvernement de transition, en cherchant à faire passer ce projet sans dialogue ouvert, crée un climat de méfiance et d’incompréhension. Comment justifier une réforme constitutionnelle aussi cruciale en l’absence d’un consensus parlementaire, et pire encore, sans l’implication active du peuple gabonais ?
Un projet de loi mal conçu, des débats bâclés
Les réactions des parlementaires à ce projet soulignent un échec fondamental : l’absence de dialogue constructif et de véritable réflexion sur l’avenir politique du Gabon. Ce projet de réforme constitutionnelle, loin de renforcer les institutions du pays, menace de concentrer le pouvoir entre les mains d’un exécutif sans contre-pouvoirs efficaces. Les critiques des parlementaires ne sont pas simplement des désaccords techniques, elles reflètent des inquiétudes profondes sur l’orientation autocratique que prend cette réforme.
Loin de favoriser un renouveau démocratique, ce projet constitutionnel semble au contraire plonger le Gabon dans une ère où le débat politique est étouffé et où le pouvoir se centralise dangereusement. Si les membres de l’Assemblée constituante, censés représenter les intérêts de la nation, ne parviennent pas à freiner cette dérive, c’est l’avenir même de la démocratie gabonaise qui est en jeu.