En pleine phase de « restauration des institutions », le Gabon est à nouveau secoué par une affaire qui met en lumière les dysfonctionnements de son système judiciaire. Anderson Nounamo, l’un des accusés dans le meurtre de Michaela Ngoua, a été déféré à la prison Centrale de Libreville dans une opération menée en toute discrétion. Une décision surprenante, qui semble émaner d’une intervention directe du ministre de la Justice, Paul Marie Gondjout, et non d’une procédure judiciaire classique. Ce renvoi en détention soulève de nombreuses interrogations quant à l’indépendance du pouvoir judiciaire dans le pays.
Libéré provisoirement il y a plusieurs mois, au même titre que son co-accusé, Erwan Siadous, Anderson Nounamo avait vu sa situation évoluer conformément à la loi pour mineur après huit mois de détention préventive. Le retour à la liberté provisoire avait été décidé suite aux demandes répétées de leurs avocats, et validé par une juge d’instruction, notamment en raison des nombreuses irrégularités ayant entaché l’enquête préliminaire. Parmi celles-ci, l’usage avéré de la torture pour obtenir des aveux des deux jeunes hommes, pratique pourtant formellement proscrite par la loi gabonaise qui dispose que « nul ne peut être humilié, maltraité, torturé, ni faire l’objet de traitements ou de peines cruels, inhumains ou dégradants ».
Face à ces vices de procédure, la juge avait invalidé les conclusions de l’enquête, précisant que la légalité de la détention des deux prévenus était compromise. Toutefois, à la surprise générale, Anderson Nounamo se retrouve aujourd’hui réincarcéré, non pas sur la base de nouveaux éléments incriminants, mais à la suite d’une décision arbitraire prise sous la pression des réseaux sociaux. Un fait qui illustre l’emprise de l’exécutif sur le judiciaire dans un pays qui aspire pourtant à des réformes structurelles profondes et prône la séparation des pouvoirs.
La question de la légitimité de ce retour en détention se pose donc avec une acuité nouvelle. En l’absence d’éléments nouveaux apportés à l’enquête ou d’une décision judiciaire, l’intervention du ministre de la Justice s’apparente à une ingérence directe, portant atteinte à l’indépendance des magistrats. Dans le contexte actuel, cette affaire pourrait exacerber le sentiment de défiance à l’égard des institutions, et saper les efforts de restauration proclamés par les autorités gabonaises.
La situation d’Erwan Siadous, actuellement en France pour des soins médicaux, pourrait connaître une évolution similaire. Si la logique de l’ingérence politique continue à prévaloir, son retour au Gabon pourrait se traduire par une réincarcération, non pas fondée sur le droit, mais dictée par des considérations externes au dossier judiciaire.
Cette affaire met en exergue un enjeu fondamental pour le Gabon : la nécessité de protéger la justice des pressions politiques et médiatiques. Dans un État de droit, seul le procès doit déterminer la culpabilité ou l’innocence des prévenus, et non des décisions administratives ou des répercussions médiatiques. Ce retour en prison d’Anderson Nounamo rappelle tristement que, malgré les annonces de réformes, le système judiciaire gabonais demeure encore largement vulnérable aux ingérences et aux manipulations.
L’avenir de ce dossier pourrait jouer un rôle déterminant dans la perception nationale et internationale des réformes institutionnelles promises, et surtout dans la crédibilité du système judiciaire gabonais.