« Oyem n’est pas chez toi » : quand la ville glisse dangereusement dans le tribalisme

L’incident aurait pu rester anecdotique, mais il révèle une dérive inquiétante. Lundi soir, un groupe de jeunes manifestants, manifestement acheminés depuis des localités environnantes, a décidé de s’en prendre bruyamment  à l’un des rares hôtels de Mitzic acceptant d’héberger la délégation d’Ensemble pour le Gabon, en tournée dans le nord du pays.

Un rassemblement aux allures de milice

Difficile de croire que cette manifestation – ou plutôt cette agression – ait été autorisée. Pourtant, elle s’est déroulée sous le regard complaisant des forces de l’ordre, qui n’ont pas jugé utile d’intervenir. Sous les cris de « Oyem c’est chez nous, pas chez toi  ! » et « Tu ne feras pas de meeting ici ! », ces intellectuels probablement motivés financièrement ont bruyamment occupé les abords de l’hôtel où séjournait l’ancien Premier ministre, perturbant la quiétude de la ville une bonne partie de la nuit.

Des réactions indignées face à un dangereux précédent

Sur les réseaux sociaux, l’affaire a immédiatement suscité une vague d’indignation. Qualifiée d’« acte minable », cette tentative d’intimidation a été dénoncée par de nombreux internautes, choqués par l’ampleur de la dérive. Elle fait curieusement suite à l’interdiction par le refus par le maire d’Oyem d’accorder un espace publique à la délégation d’Ensemble pour le Gabon. D’autres personnes , ont tenté de justifier cet incident en évoquant des précédents similaires dans la province du Haut-Ogooué sous l’ancien régime.

Un argument cynique et dangereux, qui vient piétiner l’idéal de rupture prôné par les nouvelles autorités. Car en démocratie, l’expression politique est un droit garanti par la Constitution. Aucune ville, aucune région, aucun territoire ne saurait devenir la chasse gardée d’un clan ou d’un groupe.

Une hypocrisie politique flagrante

Que certains cherchent à interdire à l’ancien Premier ministre durant 6 mois d’Ali Bongo de s’exprimer est d’autant plus absurde que 90 % des personnalités aujourd’hui aux commandes du pays ont servi, à un moment ou un autre, sous Omar ou Ali Bongo. Si le passé politique devait être un critère de légitimité, bien peu résisteraient à l’examen.

Plus préoccupant encore, ces manifestations ne sont pas le fruit du hasard. Elles relèvent d’une organisation structurée, visant à imposer par la force une vision partisane de la politique. Un jeu dangereux, qui met à mal le vivre-ensemble et envoie un message alarmant sur l’état du pays et la fébrilité de certaines officines proches du pouvoir de transition.

Le Gabon ne peut se permettre de devenir un espace où des groupuscules décident, au gré de leurs intérêts, qui a le droit de parler et qui doit se taire. Laisser faire, c’est encourager la dérive. Et ce climat d’impunité ne profite à personne – pas même au CTRI, dont certains soutiens, loin de condamner ces actes dangereux , semblent les encourager.

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