Verdict controversé du procès de BLA : Une Justice à géométrie variable ?

Brice Laccruche Alihanga a été fixé sur son sort à l’issue d’un long procès. Le jugement a été rendu ce 24 mai au Palais de justice de Libreville par la Cour criminelle spécialisée, l’ancien Directeur de Cabinet du président déchu a été condamné à 12 ans de prison, dont 3 ans et 10 mois fermes, pour des faits de détournement de fonds publics, association de malfaiteurs et blanchiment de fonds. Toutefois, cette condamnation soulève de nombreuses interrogations sur l’équité du verdict et les véritables responsables derrière ces accusations.

L’affaire portait sur la gestion de 155 milliards de FCFA générés par l’État et l’utilisation des dividendes versés par la Comilog à la Société équatoriale des mines (SEM). Brice Laccruche Alihanga, ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo, et Tony Ondo Mba étaient jugés pour leur rôle présumé dans cette affaire complexe. Si la Cour a reconnu Brice Laccruche Alihanga coupable, elle a ignoré plusieurs éléments cruciaux qui jettent le doute sur la légitimité de ce jugement.

Tout d’abord, l’absence de preuves tangibles présentées lors du procès pose un sérieux problème. Les accusations de détournement de fonds publics et d’association de malfaiteurs reposaient essentiellement sur des témoignages et des documents dont l’authenticité et la pertinence restent discutables. Le chef de concussion, par exemple, n’a pas été caractérisé, soulignant ainsi l’insuffisance des preuves concrètes pour étayer toutes les charges retenues contre Laccruche Alihanga.

Ensuite, le refus d’Ali Bongo, président de la République à l’époque des faits, de comparaître en tant que témoin clé, accentue l’impression d’une justice à géométrie variable. En sa qualité de délégataire des fonds du président, Brice Laccruche Alihanga a agissait sous les directives de ce dernier. Pourtant, l’ancien président n’a jamais été contraint de s’expliquer devant la Cour, laissant ainsi son ancien directeur de cabinet porter seul le poids des décisions prises au plus haut niveau de l’État.

De plus, le brillant plaidoyer de Me Anges Kevin Nzigou, avocat de Laccruche Alihanga, n’a pas suffi à convaincre la Cour de la vulnérabilité de son client face à un système qui l’a utilisé comme un simple exécutant. En demandant des circonstances atténuantes, le parquet général a lui-même reconnu que Laccruche Alihanga n’était pas l’instigateur principal des faits reprochés, mais bien un rouage d’une machine étatique complexe et opaque.

La condamnation de Brice Laccruche Alihanga à « 12 ans de réclusion criminelle dont 3 ans, 10 mois et 16 jours fermes, ainsi qu’une amende de 100 millions de FCFA », et l’obligation de payer à l’État la somme de 5 milliards de FCFA à titre de dommages et intérêts, apparaît comme une tentative de punir un individu tout en occultant les responsabilités partagées par les véritables décideurs de l’époque.

Cette affaire met en lumière les failles d’un système judiciaire influencé par des considérations politiques et révèle l’injustice subie par un homme devenu le bouc émissaire d’un régime en quête de réhabilitation. Brice Laccruche Alihanga, loin d’être un criminel isolé, apparaît comme une victime sacrificielle d’un ancien système qu’il servait loyalement, mais qui l’a trahi au premier revers de fortune.

Ainsi, à l’heure où le Gabon aspire à des réformes démocratiques et à une véritable justice équitable, ce verdict controversé doit inviter à une réflexion profonde sur les mécanismes de pouvoir et de responsabilité au sein de l’appareil d’État.

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