LIBREVILLE, GABON (médias241.com)- Signée en 1989, la Convention relative aux droits de l’enfant célèbre ce dimanche le 28e anniversaire de la journée des enfants des rues.
Selon une étude réalisée à l’initiative du Ministère gabonais de la Famille et des Affaires Sociales, le Gabon comptait en 2012, 658 enfants de la rue. Parmi eux 595 seraient gabonais, et bon nombre auraient encore leurs parents en vie.
Boban Mboumba, 14 ans, affirme que sa famille étant trop pauvre pour l’assumer, il est «bien obligé d’aller chercher de quoi manger, et se vêtir. Par mes business, j’arrive à m’offrir de temps en temps l’essentiel».
Enseignant – chercheur, Judith Mussavu-Mussavu en parle aisément dans sa thèse.
La thèse de Judith Mussavu-Mussavu, Les enfants en situation de rue à Libreville au Gabon porte sur les enfants qui vivent de façon plus ou moins durable dans les rues. Afin de ne pas tomber dans le misérabilisme et l’exotisme, plusieurs pistes sont ouvertes, alliant description et explication.
En premier lieu, il y a une distinction à faire entre les enfants qui sont à la rue quasiment en permanence et ceux qui sont dans la rue, à certains moments précis. L’exemple de l’école éclaire cette distinction. Comme les équipements et le personnel scolaires sont en nombre insuffisant, l’organisation des études se fait par demi-journées : il y a les élèves du matin et les élèves de l’après-midi. La pratique courante des enfants est de ne pas trop informer leurs parents de cette répartition et d’en profiter pour sortir du domicile toute la journée. La moitié du temps est consacrée à la scolarité alors que la seconde moitié se passe dans la rue, en général pour exercer une activité rémunératrice comme porter les valises des touristes qui sortent des gares.
D’autres enfants se retrouvent à la rue du fait de l’absence de ressources de leur famille. L’auteur décrit l’absence de protection sociale et le déclin des solidarités familiales qui amènent chaque membre de la famille à chercher ses propres moyens de survie. Dans ce cas, on retrouve aussi pour l’enfant l’exercice de petits métiers afin d’apporter un complément de ressources que seule la rue peut assurer.
Dans les deux cas précédents, les enfants ont un toit, cependant, une autre catégorie d’enfants vit jour et nuit dans la rue, avec tous les risques d’expositions aux violences, à la prostitution et aux addictions.
L’auteure a passé plusieurs mois sur le terrain et a pu à la fois décrire précisément ce qu’elle appelle des « situations de rue », fournies par des informations de première main. Ainsi, les enfants en situation d’abandon dans la rue disposent de très peu de lieux d’accueil à vocation éducative et sociale. Ces institutions reçoivent très peu d’aides des autorités qui ont plutôt fait le choix de développer des centres pour délinquants à dimension pénale. Cette recherche ethnographique s’intéresse également à des dimensions plus macro-sociales, notamment en relevant les fortes limites des politiques sociales.
À chaque catégorie d’enfants séjournant dans la rue peuvent être mis en correspondance des niveaux d’insuffisance de l’action des pouvoirs publics, sur les plans sanitaires, éducatifs, familiaux et économiques. Les intérêts de cette approche sont multiples. Elle permet de ne pas verser dans le misérabilisme, en montrant l’hétérogénéité des situations.
Elle fait la part des apprentissages permis par la rue et inventorie les compétences que les enfants y exercent, cependant, elle n’élude pas la gravité des situations affrontées par les plus vulnérables.
Enfin, la précarité des familles est mise en regard de politiques sociales défaillantes et d’absence de redistribution des richesses économiques nationales.
Les causes du phénomène sont variées et diverses. Elles vont de l’enfant difficile et rebelle qui ne se laisse pas maîtriser ni manier par ses parents. Il ya aussi le suivisme des amis. Dans un tel cas, un enfant qui affectionne un groupe déjà enclin à la rue peut finir par tomber dans la rue. Enfin, il y a la situation familiale qui se caractérise le plus souvent par la misère familiale et par une désintégration de la situation matrimoniale des parents. Un enfant qui n’est plus nourri ou que les parents encouragent à une prise en charge précoce de soi se transformera en un mendiant. La misère dans les familles contraint certains parents à une mendicité forcée. Ils y vont soit avec leurs enfants soit seuls soit en les envoyant. C’est ainsi que certains enfants sont envoyés dans la rue pour mendier et ramener le butin aux parents.
Le manque de repère fait que certains parents abandonnent leurs enfants, les laissant à aller dans la rue. « Voir tous ces enfants dans la rue est la preuve que nos traditions et nos valeurs intrinsèques sont en perte de vitesse. Avant, on ne pouvait pas envisager qu’un enfant, même orphelin, puisse se retrouver dans la rue. Or aujourd’hui, la plupart de ces enfants ont encore au moins un parent en vie. Ils dorment tranquillement sous un toit, sachant leur enfant livré à lui-même dans la rue. C’est honteux », s’insurge Alain Metogo, enseignant.
« La famille est en crise dans notre pays. Quel que soit le problème que peut te causer un enfant, rien ne peut justifier qu’il soit jeté dans la rue. Le parent est l’adulte. C’est lui qui est garant de la sécurité des enfants. C’est pas normal que certains parents refusent de prendre leurs responsabilités et trouvent plus facile d’abandonner leurs enfants », dénonce Jessica, étudiante.
La situation de l’enfant de la rue au Gabon n’est point digne. Depuis de longues années déjà, des voix se sont élevées pour attirer l’attention des pouvoirs publics et des populations sur la nécessité de garantir et de renforcer les droits de l’enfant en République gabonaise. En 2015, la problématique des enfants de la rue au Gabon a même fait l’objet d’un atelier organisé par le gouvernement gabonais en collaboration avec l’UNICEF.
Le résultat attendu de cette étude devrait aboutir à une meilleure prise en charge des enfants des rues au Gabon par des programmes gouvernementaux, en introduisant une rubrique pour enfants des rues âgées entre 6 et 17 ans dans le budget de l’Etat.
Jusque-là aucune suite…